Eric CANTONA

Né le 24 Mai 1966 à Marseille (13)

Difficile de résumer la carrière de quelqu'un comme Eric Cantona. Car il était bien plus qu'un joueur pétri de talent, il était un personnage, un mythe, entretenu par des frasques qui pourraient nourrir une biographie en plusieurs tomes.

Né à Marseille en 1966 d'une mère catalane et d'un père sarde, il grandit dans le quartier des Caillols et y parfait ses gammes de footballeur aux cotés de ses potes Galtier ou Falzon. L'OM ne le remarquant pas et l'OGC Nice le trouvant trop juste pour faire carrière, il prend donc la direction du Centre de Formation d'Auxerre en Juillet 1981. Il a alors à peine 15 ans.

Choyé par Guy Roux pendant 2 ans en équipe réserve, il débutera en D1 le 5 Novembre 1983. Mais "l'éleveur de champions" lui préfèrera Roger Boli lors de ces premières années et il restera la plupart du temps en réserve ou avec les juniors avec qui il remporte la Gambardella en 1984 en inscrivant un triplé en finale contre... Montpellier. En mal du pays, et surtout amoureux de la sœur de son coéquipier Bernard Ferrer, Eric est prêté à Martigues en Octobre 1985. Il n'a alors joué que 13 matches en 2 saisons et inscrit 2 buts dont un qui qualifiera l'AJA pour la Coupe d'Europe.

Cette saison en D2 lui fera le plus grand bien. En se mariant, il stabilise ainsi sa vie privée et ses performances s'en ressentent. Bon dernier, les martégaux retrouvent des couleurs grâce à lui et se maintiennent.

L'esprit libéré, il est de suite déclaré comme titulaire indiscutable de cette jeune équipe auxerroise. Sa première saison est exceptionnelle, il inscrit 13 buts en 36 matches et obtient une juste récompense en Août 1987 avec sa première sélection contre la RFA. Malgré la défaite, il sera le seul buteur français. La saison suivante, si ses performances sur le terrain restent bonnes (8 buts en 32 matches), il commence une impressionnante collection de gestes ou paroles déplacés. Après avoir lancé la mode du crâne rasé sur un terrain de foot, c'est surtout Der Zakarian qui fera le premier les frais des "talents" de kung-fu de Cantona, en subissant un tacle à la carotide qui vaudra 3 matches de suspension à son auteur.

Il aura cependant entre-temps permis à l'Equipe de France Espoirs d'obtenir son seul titre en gagnant le Championnat d'Europe en 1988.

L'OM de Tapie le recrute alors pour la somme (record à l'époque) de 22 millions de francs et un salaire de 400 000 francs par mois. Ses débuts sous les couleurs du club de son cœur sont tonitruants, mais il n'est pas appelé en équipe de France par Henri Michel. Le 20 Août, après un match de championnat où il donne la victoire à son équipe, il convoque les journalistes et traite le sélectionneur de "sac à merde". Suspendu un an chez les Bleus, ses performances sur le terrain déclinent jusqu'en Janvier 1989. C'est la trêve et l'OM prépare sa seconde partie de saison avec notamment un match amical à Sedan contre le Torpedo de Moscou. Sifflé par le public, déçu du jeu de son équipe, il pète les plombs quand Gili décide de la remplacer. Il jette alors son maillot aux pieds de son entraîneur et quitte le terrain sous des sifflets qui ont redoublé, la tête haute.

Tapie dit alors de lui : "S'il le faut, on le mettra dans une clinique". La clinique en question sera les Girondins de Bordeaux auxquels il est prêté après n'avoir marqué que 5 buts en 22 matches.

Il débarque là-bas le 15 février 89 dans un club à la dérive. Aimé Jacquet vient d'être licencié et remplacé par Didier Couécou. Bordeaux finit 13e mais en proie à de graves problèmes financiers, ne peut s'offrir Canto qui se retrouve donc sur le marché.

Louis Nicollin rentre alors en jeu et se place sur les rangs. L'équipe de Montpellier arrive en fin de cycle, et cet ambitieux président veut faire de La Paillade une place forte du football français. Après l'arrivée d'Aimé Jacquet, et celles des joueurs Xuereb, Suvrijn ou Guérin, les caisses apparaissent cependant vides mais grace à l'aide du département et de la Mairie, Nicollin peut s'offrir son rêve en associant les deux amis Paille et Cantona, qui consent de sérieux sacrifices financiers, à la pointe de l'attaque montpelliéraine. Le tout nouvel MHSC ne vise ni plus ni moins que le titre de champion.

Mais ce sera le fiasco. Après un début de saison calamiteux (les "stars" ne s'entendant pas avec les "porteurs d'eau"), son ami Paille s'en va à Bordeaux. Canto ne tiendra pas longtemps et c'est le crâne de Lemoult qui en fera les frais puisqu'il servira de paillasson aux chaussures de son coéquipier. Une nouvelle fois sanctionné par son club, il réussira tout de même à se rabibocher avec son président après un court passage en équipe réserve. Jacquet a été entre-temps démis de ses fonctions et a laissé sa place à Michel Mézy.

Avec ce nouveau technicien, une histoire d'amitié débute. Le jeu pratiqué plaît à Eric, qui retrouve tout son enthousiasme et son talent. Le club fait une deuxième partie de saison fabuleuse dans son opération maintient et se permet même le luxe de remporter la Coupe de France, son seul véritable titre en France (il ne jouait plus à Marseille lorsque l'OM a glané deux titres de champion). Prenant fait et cause pour Mézy dans le "clash" qui oppose ce dernier à son président, Cantona ne peut demeurer à Montpellier où il a inscrit 10 buts en 33 matches et s'en retourne dans la cité phocéenne.

L'Equipe de France, alors dirigée par Michel Platini, est invincible, et le duo qu'il forme avec Papin est ce qu'il se fait de mieux à l'époque en Europe. Leur association en club commence également de la meilleure des façons (8 buts en 12 matches) sous les ordres de Franz Beckenbauer, mais il se blesse gravement au genou, ce qui l'éloigne des terrains pendant trois mois. A son retour, le technicien allemand a cédé sa place à Goethals et l'équipe tourne si bien que le belge ne voit pas l'intérêt de le réintégrer (il ne jouera plus que 6 matches sans buts). Il finira l'année sur le banc ou dans les tribunes en compagnie de Jean Tigana, Philippe Vercruysse et Dragan Stojkovic, entre autres, ne pouvant ni savourer le titre de champion, ni participer à la finale de la Coupe de Champions perdue contre l'Etoile Rouge de Belgrade.

Sa cote étant sérieusement dévaluée, il fait parler l'amitié et retrouve Michel Mézy à Nîmes pour un transfert de 10 millions de francs. Les nîmois viennent de remonter et se donnent les moyens de réussir au plus haut niveau avec les arrivées de Vercruysse, Ayache, Lemoult ou Tittel (international tchécoslovaque). Cantona est désigné capitaine de l'équipe. La réussite n'est pas au rendez-vous, les crocodiles se battent pour le maintien et Cantona n'enflamme que très rarement le public par des gestes techniques inutiles, privilégiant le "beau jeu" à l'efficacité. Le 7 Décembre, il jette un ballon en direction de l'arbitre pour une faute anodine sifflée contre lui et quitte le terrain avant même de recevoir le rouge . Convoqué en commission de discipline, il traitera les juges qui lui donnent un mois de suspension d'idiots. La peine est donc doublée et, entier comme à son habitude, il annonce sa retraite dans la foulée, dégoûté par le milieu du football. Il n'aura inscrit que 2 buts en 17 apparitions sous les couleurs nîmoises.

Mais cette retraite sera courte. Platini a besoin de lui pour l'Euro 92 et le convainc de se ressourcer dans le berceau du football : l'Angleterre. Direction Sheffield Wednesday, qui le met à l'essai. A la suite d'un tournoi indoor, l'entraîneur Trevor Francis lui propose de prolonger l'essai une semaine de plus avant de prendre sa décision. Eric refuse, d'autant plus que Leeds, qui lutte dans le haut du classement, lui propose un contrat sans essai préalable. Nous sommes en Février 1992. Si ses premiers matches sont poussifs, il s'intègre rapidement, marquant son premier but moins de trois semaine après son arrivée et devenant le chouchou des supporters qui le saluent au rythme des 'Ooh Aah Cantona'.

Leeds remporte le titre de Champion d'Angleterre. Lors du discours d'après-titre, n'ayant rien préparé et voyant le micro arriver dans ses mains, il regroupe tout son vocabulaire anglais et improvise un "I don't know why, but i love you" aux supporters présents. Le voilà promu star. Malgré un Euro 92 raté, il réalise un triplé contre Liverpool, lors du Charity Shield débutant la saison suivante. Mais en conflit avec son entraîneur qui ne lui fait pas toujours confiance, il est transféré en Novembre 1992 à Manchester United. Il aura inscrit 9 buts en 28 matches pour Leeds où il était une idôle. A Manchester, il sera un roi, voire pour certains un dieu.

Fergusson n'hésite pas à débourser 12 petits millions de francs pour le faire signer. Son équipe est jeune et talentueuse, mais il lui manque un chef d'orchestre. Le premier choix de Ferguson était David Hirst un avant-centre anglais de Sheffield Wednesday, mais une grave blessure de celui-ci l'oblige à se reporter sur son joker. Ce sera Cantona.

Le club court après le titre depuis plus d'un quart de siècle et son arrivée va galvaniser ses coéquipiers. Il s'impose très vite sous ses nouvelles couleurs et mis à part un crachat sur un supporter l'insultant lors de son premier retour à Leeds, ce sont principalement ses qualités de footballeur qui feront parler de lui jusqu'à ce second titre consécutif qu'il obtient en Angleterre en 1993 avec 9 buts en 22 matches.

Il devient ainsi le premier joueur sacré deux années de suite avec deux maillots différents.

Pendant ce temps-là, il continue son bonhomme de chemin avec l'Equipe de France. Gérard Houllier l'a nommé capitaine et tout va pour le mieux puisque la France a quasiment les deux pieds au mondial américain à 5 minutes du coup de sifflet final contre l'Israël. La France perdra ce match ainsi que le suivant contre la Bulgarie, toujours à domicile et sera ainsi éliminée par la Suède et la Bulgarie, respectivement 3è et 4è de la future Coupe du Monde. C'est la grande désillusion. Il ne réapparaîtra quasiment plus en équipe de France pour laquelle il a marqué 19 buts en 45 sélections et ne participera donc jamais à une Coupe du Monde.

Quasiment dans le même temps, en Octobre 1993, après une défaite à Galatasaray en Ligue des Champions, il décide de donner des cours d'arbitrage à l'arbitre du match, il prend 4 matches de suspension et son équipe est éliminée. En Mars de la même saison, malmené par un rugueux défenseur de Swindon, il le piétine et prend 3 matches de suspension. Ceux-ci se transforment en 5 matches 4 jours plus tard à la suite d'une nouvelle expulsion contre Arsenal. L'été qui suit, il se fera également éjecter d'une salle de presse aux Etats-Unis après avoir commencé à " jouer " à la boxe avec un officiel non consentant.

Mais ces véritables faits d'armes cette année-là sont dans le jeu. Il inscrit 18 buts en 34 matches, marque 2 fois en finale de Cup pour offrir le doublé Coupe-Championnat aux Reds et est le premier étranger élu meilleur joueur d'Angleterre par ses pairs.

La saison suivante commence également de la meilleure des manière, il inscrit 12 buts dans les 21 matches où il n'est pas suspendu et l'équipe semble partie sur les mêmes bases que les années précédentes avec de jeunes jeunes talentueux nommés Giggs, Beckham, les frères Neville, Scholes etc...

Mais il est une nouvelle fois expulsé le 25 Janvier 1995 après avoir réagit à l'essuyage des crampons d'un adversaire sur ses côtes. Sur le chemin des vestiaires, il est pris à partie par un supporter adverse qui l'assène entre autres d'insultes racistes. Déjà passablement énervé, Eric ne se contrôle plus et donne une mauvaise leçon de kung-fu à son nouvel "ami ". Condamné par la fédération à 9 mois de suspension, puis par la justice à deux semaines de prison ferme transformée en 120 heures de travaux d'intérêt généraux, cet acte de violence va pourtant le faire rentrer dans la légende.

Sans lui les jeunes mancuniens perdent leur titre. Il profite de sa suspension pour partir se ressourcer en Martinique avec sa femme alors enceinte. Passionné de poésie, il s'y essaie en Mars avec sa fameuse phrase "When the seagulls follow the trawler, it's because they think sardines will be thrown into the sea" qu'on pourrait traduire par "quand des mouettes suivent un chalutier, c'est qu'elles pensent que des sardines vont être jetées à la mer".

Le mois suivant Manchester lui propose quand même trois années supplémentaires alors que l'Inter lui fait des appels du pied. Il dit alors "J'appartiens à United et je veux mourir ici".

Il reviendra encore plus fort en Octobre 1995. Passeur et buteur pour son retour contre Liverpool, il est nommé capitaine de l'équipe qui remportera en fin d'année un nouveau doublé, et marque à nouveau en finale de la Cup. Avec 14 buts en 30 matches, et s'étant acheté une nouvelle conduite (aucune expulsion), ce sont cette fois les journalistes qui l'élisent meilleur footballeur de l'année. Il est le premier mancunien honoré depuis George Best en 1968.

Même si un nombre impressionnant d'appels demandant son retour en sélection, Jacquet ne le convoquera pas pour l'Euro 96 qui se déroule "chez lui" en Angleterre.

Définitivement assagi, Eric the King accompagnera ses protégés vers un quatrième titre en 5 ans en 1997. Cependant, déçu d'échouer en demi-finale de Ligue des Champions, de ne pas avoir gagné un seul titre international, conçient qu'il ne participera pas à la Coupe du Monde en France, et se sentant sur le déclin, il annonce sa retraite footbalistique une semaine après la fin d'un championnat où il inscrit 7 buts en 25 matches. Il a alors à peine 31 ans et est au sommet de sa gloire.

Il veut alors se consacrer à une carrière d'artiste (il peignait déjà à ses heures perdues). Après le succès du film "Le Bonheur est dans le près" où il joue la comédie aux cotés de son frère Joël, il voit dans le cinéma un échappatoire idéal, mais son talent dans le Septième Art n'est pas aussi grand que dans le football et sa carrière en haut de l'affiche reste courte après quelques bides (notamment "Mookie"). Il se contente donc de quelques pubs pour Nike, de petites apparitions dans quelques films ou de productions de spectacles (il a lancé par exemple la carrière de Patrick Bosso).

Maintenant, Eric se consacre surtout au Beach Soccer et aide au développement de la discipline avec son frère Joël ou ses potes Ferhaoui, Galtier et Olmeta pour encadrer quelques jeunes. Demeurant à Barcelone depuis 1998, il est le sélectionneur-entraîneur-joueur de la sélection française et retrouve les joies du jeu sans oublier les affaires puisqu'il détient les droits de diffusion du Beach Soccer dans l'hexagone.

Eric Cantona laisse donc le souvenir d'un joueur hors-norme, un génie du football mal reconnu, qui a réussit à faire chanter la Marseillaise à tout un stade anglais, qui a inscrit 8 buts en 6 matches à Wembley (la seule fois où il est resté muet, il a tout de même inscrit un pénalty après le temps additionnel), qui a remporté 15 titres de 1988 à 1997 avec ses différentes équipes et surtout qui a été élu joueur du siècle de Manchester Utd devant des légendes telles que Bobby Charlton ou George Best. Ses phrases "I don't know why, but i love you" "When the seagulls follow the trawler, it's because they think sardines will be thrown into the sea" ou "Sur ma tombe, je ne veux aucune inscription. Une pierre vierge parce que je voudrais laisser derrière moi le sentiment d'un grand mystère" resteront dans les annales.

Détesté ou adulé, ce personnage n'a jamais laissé personne insensible et demeure comme un des joueurs les plus charismatique de tous les temps.

>>>Ses photos avec Montpellier<<<